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Partance et autres lieux suivi de Nema Problema

  • ... Le jardin de mon père, ce que j'appelais ainsi, n'était pas un jardin, mais un grand morceau de terre constamment remuée. Cerné sur trois côtés de grandes fleurs multicolores, de groseilliers rouges et de cassis, il était fermé au bout par une rangée de peupliers. Brasseurs de ciel à longueur de journée, ces hauts arbres, par les nuits de grand vent, recrachaient la mer, la voix des sirènes et les chants des noyés. J'étais seul à les entendre, il me semble, car mes parents refusaient de me croire et haussaient les épaules. Rien n'a changé depuis.
    La mer je ne l'avais jamais vue... Le soir, dans mon lit, je raboutais un à un, comme je pouvais, ces bribes marines jusqu'à ce que les peupliers du fond hissent la voile de grand-vergue. Alors, je franchissais d'un bond les limites du jardin et quittais la rade obscure des familles à jamais encalminées. ....